RYTHME ET ORDRE DE LA NARRATION

RYTHME ET ORDRE DE LA NARRATION

  • La fiction romanesque est définie par l’ensemble de ce qui est raconté : les événements, les attitudes, les émotions des personnages, c’est-à-dire des éléments qui peuvent être résumés à quelqu’un qui n’aurait pas lu le texte. « C’est l’histoire d’un personnage qui… » La narration, elle, est définie comme la mise en forme ou la mise en scène des événements constituant la fiction. C’est l’action de raconter (« racontage »). Attention, cette mise en forme est une réorganisation des événements racontés. Elle peut jouer sur l’ordre de la fiction (par exemple avec des retours en arrière) et sur son rythme (la narration peut s’attarder très longuement sur un bref moment de la fiction ou au contraire résumer en quelques lignes plusieurs années).
  • Sur la question du rythme, retenez tout d’abord que la fiction se mesure en temps (minutes, heures, mois, années, etc.) ; la narration, elle, se mesure en nombre de lignes, de pages, de chapitres, etc.
  1. Quand il y a équilibre entre temps de la fiction et temps de la narration (et temps supposé de la lecture), dans un dialogue par exemple, on parlera de scène. Cette notion de scène peut être étendue au delà de cette limite théorique ; il suffit d’une situation fictive délimitée dans le temps et dans l’espace et présentant une forte unité d’action. On parlera par exemple d’une scène de bal ou d’une scène de rencontre, celle d’Étienne et de Maheu par exemple dans Germinal ou celle de Duroy et Forestier dans Bel Ami.
  2. Quand le temps de la narration s’allonge (et donc le nombre de pages et le temps de lecture), alors même que segment temporel de la fiction est très court voire nul, on parle de pause. La progression de l’histoire ralentit pour céder la place à l’analyse ou à la description. L’action est en quelque sorte suspendue, la fiction bloquée, car le narrateur juge bon de s’attarder sur un paysage par exemple. Au cinéma, quand il y a étirement de la séquence, on peut avoir un effet de suspense (pensez aux Dents de la mer).
  3. Quand, à l’inverse de la pause, le rythme du récit s’accélère, on parlera de sommaire. Le narrateur propose une sorte de résumé qui, en quelques lignes, va balayer une longue période de temps fictionnel et donc un grand nombre d’événements possibles. Il y a disproportion entre temps de la narration et temps de la fiction. Par exemple, le passage suivant issu de Bel Ami est un sommaire : « Il connut les coulisses des théâtres et celles de la politique, les corridors et le vestibule des hommes d’État et de la Chambre des députés, les figures importantes des attachés de cabinet et les mines renfrognées des huissiers endormis. Il eut des rapports continus avec des ministres, des concierges, des généraux, des agents de police, des princes, des souteneurs, des courtisanes, des ambassadeurs, des évêques, des proxénètes, des rastaquouères, des hommes du monde, des grecs, des cochers de fiacre, des garçons de café et bien d’autres, étant devenu l’ami intéressé et indifférent de tous ces gens, les confondant dans son estime, les toisant à la même mesure, les jugeant avec le même oeil, à force de les voir tous les jours, à toute heure, sans transition d’esprit, et de parler avec eux tous des mêmes affaires concernant son métier. » Ici la narration s’accélère pour souligner la rapidité des « progrès » de Georges Duroy dans sa découverte du métier de journaliste. Les énumérations sont là pour mettre en évidence la variété et le nombre important des expériences qui participent à la formation du personnage.
  4. Enfin, quand la narration en vient à « sauter » une période de temps de la fiction, on parle d’ellipse. Une manière de faire progresser le récit en dissimulant (ou en escamotant) une partie des événements. « Deux ans plus tard… etc. »

Scène, pause, sommaire, ellipse sont donc des notions qui renvoient au rythme de la narration. Concernant l’ordre du récit, je serai plus rapide car les distinctions me semblent plus simples.

Vous retiendrez :

  1. L’ordre chronologique.
  2. La simultanéité, c’est-à-dire le fait que deux scènes racontées dans deux chapitres différents par exemple se déroulent au même moment dans la fiction. Exemple : pendant qu’Étienne arrive à la mine (chapitre 1 de Germinal), les Maheu se réveillent (chapitre 2).
  3. L’analepse, c’est-à-dire le retour en arrière. C’est une procédure très fréquente, notamment dans le roman réaliste qui revient souvent sur le passé des personnages pour mieux les cerner.
  4. La prolepse, c’est-à-dire l’anticipation (plus rare, même si certains détails d’un récit, de l’ordre de l’indice, peuvent jouer un rôle dit « proleptique ».) Il ne s’agit pas d’une prolepse véritable mais d’une allusion, d’une touche symbolique souvent qui joue un rôle d’annonce repérable par le lecteur averti.

 

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